(Nota : l'évasion de masse et l'émeute fut organisée par le Cartel Llorente et jouée par divers volontaires)
An 33, la mi-novembre passée, une soirée.
Enjambant les décombres de barricades dans sa soutane noire, à la lumière vacillante des torches murales, le Prêcheur progressait lentement dans les couloirs malsains de la Prison d’Hurlevent. L’émeute n’avait laissé que des gravats et des taches de sang. Les gardes étaient certainement occupés à courir après les fugitifs à travers la ville et tenter de limiter leurs exactions. Les détenus les plus dangereux du Royaume semaient désormais la panique dans la cité, au dehors… C’est un fin sourire aux lèvres qu’il avançait donc entre les cellules grandes ouvertes, vides, dans un silence feutré sûrement bien inhabituel en ces lieux.
Il finit par s’arrêter au niveau de la seule porte close, un dernier pas résonnant sur le sol humide et sombre, et se tourna vers la cellule. L’épaisse porte de bois était en fait entr’ouverte.
Il retira son gantelet droit et en enfila un autre aux motifs runiques étranges, pour ensuite tirer doucement la porte grinçante.
Le jeune homme était assis contre le mur du fond orné d’un énorme glyphe dont la lueur d’arcanes pulsait lentement, les mains enchainées de fers portant encore d’autres glyphes. Sa coiffure blonde négligée à l’extrême et ses haillons lui donnaient cet air de vagabond familier quoiqu’étonnant quand on le connaissait en tant que prodigieux néantologue.
« Mon jeune ami, il est temps de se réveiller. »
Le garçon ne répondit que par un regard désabusé en relevant légèrement la tête. De Corbeaulieu inspectait les chaines qui le retenaient, en sortant un trousseau de clefs.
« Au cas où vous l’ignoriez, durant votre sommeil les portes de cet établissement se sont ouvertes. Je ne doute pas que le service ici soit très plaisant mais d’autres obligations vous appellent.
- J’ai ces chaînes…
- Je vois bien. *remarqua le Prêcheur en passant en revue chacune des clefs* Les émeutiers n’ont-ils pas cherché à vous les défaire ?
- Je leur ai dit d’aller se faire foutre… »
Le Prêcheur laissa échapper un ricanement, et essaya une première fois d’ouvrir le cadenas.
« Hum. Pas celle-ci.
…Alors comme cela, vous êtes le dernier pensionnaire ? Héhé, plus pour longtemps.
On dirait que le crime organisé refait parler de lui, et cette fois-ci, à défaut de servir nos intérêts, il pourrait créer des conditions très intéressantes.
- Tant que vous n’êtes pas mêlé à ça… Hein… J’crois qu’on aurait vraiment pas besoin de ça… question diplomatie avec l’Alliance, hin hin…
- Justement. *reprit-il en parvenant à déverrouiller la première serrure* Que savent-ils, d’après vous ?
- Ils ont arrêté ce messager que vous aviez envoyé… ils ont intercepté des documents… ils sont venus me chercher… Les emmerdes quoi… presque la routine…
- Hum, les services secrets n’est-ce pas ?
- Ouais sûrement, j’ai pas croisé un seul garde de la ville depuis l’arrestation…
- Excellent, arrestation secrète, détention secrète, vous ne manquerez pas à grand-monde à part nos adversaires.
- Par contre, ces gens-là… Ils ont l’air de savoir pour cette histoire de coup d’état… J’ai quand-même été envoyé ici pour soupçon de complot contre le Roi… J’leur ai rien confirmé mais bon…
- Hum, hum.
- Obliger Varian à abdiquer au profit de son fils, plus malléable… On n’est pas censés ne jamais se mouiller dans les affaires de l’Alliance, à la base ?... Me prenez pas pour une bille, Corbac…
- Nous ne sommes pas plus censés intervenir dans les affaires de la Horde, mon jeune ami, mais en matière d’Equilibre, nécessité fait loi. »
Le Prêcheur défaisait les dernières chaînes.
« Allons, relevez-vous, nous devons partir.
- Hmff… corvée… J’peux pas rester encore un peu ?... Je dérange personne là…
- Allons, allons. *insista De Cordeaulieu en soutenant le jeune prisonnier* Hors de cette pièce et nous aurons notre portail de sortie. »
Le Prêcheur, toujours aussi digne, se voyait contraint de le traîner littéralement jusqu’au seuil de la porte.
« Bien. Nous y voilà. »
Alors que le jeune homme s’affalait le long du mur de l’encadrement, De Corbeaulieu canalisait une invocation en plaçant une feuille scellée au sol, faisant apparaître quelques instants plus tard une Draeneï à la peau sombre et à la silhouette comme découpée dans les arcanes. Elle salua sobrement d’un hochement de tête du haut de ses bons deux mètres, et déchira l’espace vers un autre lieu d’un simple revers de main.
« Debout, Acedia. Le temps est venu, plus que jamais, de prendre une nouvelle distance avec le royaume. »