Cet épisode raconte les évènements qui ont conduit les Cavaliers-sombres à intégrer la Ligue.
Ils débutent dans la journée du 1er juillet de l'an 31.
Après s’être redus à Baie-du-Butin devant le centre de botanique de Flora Vent-argent, Ajaxandriel, Moïki Rage-Totem et Cur'sinu - une mystérieuse chevalière non-morte qui semblait veiller sur eux - retrouvèrent les membres de la Ligue venus de l’Alliance.
Ils étaient nombreux à avoir fait le déplacement à l’appel du haut-examinateur, relayé chez eux par le secrétaire Acedia. Ce dernier, après avoir fait l’effort de rassembler tout le monde, s’en retourna à la taverne du Loup de mer pour la sieste de fin d’après midi en marmonnant :« Une marche ? Ouais, pour la paix, j’veux bien... mais …une marche !? Sérieusement. Quelle corvée… »
Ils s’élancèrent donc du port gobelin vers les abords de Grom’gol, où l’organisation pacifiste Pax Legatus avait fixé le rendez-vous.
Le rassemblement était impressionnant, les lieux étaient noirs de monde, bien plus qu’à une des Foires de Sombrelune. Ajaxandriel y reconnut le célèbre prince-marchand gobelin Koubak, auquel il put démontrer que la Ligue naturaliste tenait elle aussi ses engagements de neutralité.
S’en suivit un long périple à travers toute la Strangleronce septentrionale et le Bois de la Pénombre, qui les mena jusqu’aux terres humaines d’Elwynn. Les organisateurs espéraient sûrement que cette manifestation attirerait l’attention des services du roi des Hommes Varian Wrynn, leur montrant que nombre de ressortissants de la Horde comme de l’Alliance étaient prêts à en finir avec les hostilités.
Malgré la distance respectable qui le séparait de Comté-de-l’or – afin de ne pas être perçus comme cherchant la provocation – le rassemblement attira les implacables Gardes royaux d’Hurlevent, au lieu des émissaires et diplomates attendus.
Ceux-ci commencèrent à s’en prendre violemment aux manifestants, appelant des renforts et les molestant sans ménagement.
C’est alors que des Chevaliers de la mort surentraînés, de ceux qui hantent les zones de duels de cette forêt, arrivèrent au galop, attirés par l’agitation causée par les gardes et appâtés par leur soif de sang. Appuyés par les soldats humains, ils commencèrent à faucher les rangs des ressortissants de la Horde.
Le bouclier de glace invoqué par Ajaxandriel ne le protégea pas contre la fureur des assaillants et il fut projeté, blessé grièvement au bras. Le brave marche-soleil Moïki et la cavalière-sombre Cur'sinu tentèrent de faire obstacle mais furent rapidement mis hors-combat à leur tour, tandis que nombre de participants tombaient.
Horrifiés par une telle boucherie, les soigneurs des Pacifistes tentèrent de protéger le plus de vies possible, et mus par leurs idéaux, exhortaient les manifestants à ne pas répliquer aux attaques. Leurs mages ouvrirent alors de nombreux portails pour permettre aux victimes de s’échapper vers un lieu sûr. Les trois membres de la Ligue présents s’y engouffrèrent donc, tant bien que mal, et se retrouvèrent ainsi à Shattrath.
Ajaxandriel y observa un Naaru pour la première fois : A’dal, le seigneur des Sha’tar. Apaisées par la Lumière de cette entité, les soins des guérisseurs et ses propres prières au Soleil éternel, ses blessures se résorbaient peu à peu.
La cavalière-sombre Cur'sinu se retira, et peu de temps après vînt se présenter à Ajaxandriel, sa consœur forestière-sombre Veine-de-venus.
Celle-ci, visiblement contrariée, tenta longuement de convaincre le sin’dorei de devenir raisonnable, et d’accepter l’entrevue que son Seigneur lui proposait.« Votre père est revenu, jeune Givreciel ! Il est ici dans cette ville de l'Outreterre, en compagnie du patriarche des Givresoleil. Il vous attend.
En tant que son héritier vous êtes tenu de vous présenter à lui. Il a des choses importantes à vous dire.
Le fiasco de tout-à-l’heure n’est pas seulement l’échec personnel de dame Cur'sinu, mais celui de votre politique pacifiste ridicule.
Vous DEVEZ rencontrer le Seigneur Givreciel, pour votre propre sécurité. »
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« Très bien, j’imagine que… Bien, soit. Où se trouve-t-il en ce moment ?
- Probablement dans ses nouveaux quartiers sur le Degré des Clairvoyants. Ne le faites pas attendre davantage. »
Ajaxandriel se résolut donc à rencontrer celui qui avait jeté le discrédit sur sa famille, mais l’avait tout-de-même protégé du Fléau et d’une mort certaine à Lune-d’Argent il y a une décennie : Ajaxandréon Givreciel, son propre père.Demandant son chemin aux gardes-paix draeneis, il se rendit au sommet du promontoire des Clairvoyants, où il était attendu de pied ferme par le stratège des cavaliers-sombres.« P…Père ? »
Ajaxandriel s’avança d’un pas plus qu'hésitant.L’elfe face à lui était dos tourné, à contempler le quartier néo-thalassien du Degré des Clairvoyants.
Vêtu entièrement de noir, il dégageait toujours cette fraîche aura de givre qui lui rappelait son enfance, mais les lignes telluriques semblaient se distordre à son approche... vampirisées.
Ses épaules et bras nus laissaient apparaître une peau livide couverte de lignes de textes runiques tatoués.
Il se retourna et présenta un visage inexpressif, comme couvert d’une pellicule de glace, et son regard vide et luisant glaça le sang du jeune sin’dorei, qui reconnaissait clairement son géniteur…L’imposant Quel’dorei mort-vivant prit la parole :« Fils. Cela fait des semaines que mon retour en Quel’thalas est annoncé. Que mes lettres envoyées n’ont pas eu de réponse, que mes cavalières envoyées à ta rencontre sont revenues sans toi.
- Je… Oui. J’ai cru à un coup monté. Mon père est mort en Norfendre, c’est toujours ce que le gouvernement a affirmé… »
Ajaxandréon laissa échapper un rire qui semblait résonner dans une caverne de glace, et poursuivit :« Je suis navré que les déclarations inconséquentes de la Régence t’aient donné du souci. Je ne suis pas mort. Et plus important : je ne serai – jamais – mort, mon fils.
- Toujours est-il qu’on m’avait fait revenir à Lune-d’Argent, à l’époque, sous la menace de voir notre Maison spoliée… Et qu’à mon arrivée, des mandats d’arrestations couraient à votre égard… Maître Dar'Salan était...
- Ha ha ha. Oui je fus critiqué, décrié, inquiété. Il n’y en a plus trace ! Et tu sais pourquoi ?
J’ai constaté avec joie que ce faquin de Régent avait enfin reconnu que ma stratégie était la bonne. Kael’thas était un fou doublé d’un traître… S’allier à la Légion, quelle absurdité. Non, les Réprouvés, puis la Horde des chamans, là devaient être nos nouvelles alliances. C'était inéluctable !
- Mais père… Regardez ce que vous êtes devenu… On ne m’avait pas menti : un mort-vivant !
- L’immortalité n’est pas donnée au premier venu.
- Mais à quel prix !? J’ignore combien d’horreurs vous avez dû commettre là-haut en Norfendre…
- Ha ha, tout compte fait, cinq petites années... En l’échange de l’immortalité. Cela me paraît très rentable.
Bien, j’imagine donc que tu n’avais pas de grande motivation pour me revoir, Ajaxandriel.
- J’ai été extrêmement occupé. Je mène des recherches sur l’empreinte tellurique des petits animaux, et sur les magies élémentaires comme vous. Et sur les artefacts troll... J’ai d’ailleurs pu reconstituer cette figurine enchantée.
- Bien, je suis content de voir que les études que je t’ai offertes aient porté leurs fruits. Et que les enseignements de Tae’thelan t’aient ouvert l’esprit.
- Le professeur Tae’thelan m’a beaucoup appris, oui, mais il est à ses propres affaires désormais.
- J’ai appris cela... Le Reliquaire. J’ai toujours dit qu’il était le seul à avoir la carrure pour succéder à Anastérian. Le Régent Lor’Themar n’aura su que mener les nôtres à la guerre civile.
- Le problème n'est peut-être pas tant le Régent que son conseiller aux idées nocives, le Grand magistère Rommath, Père... »
D'une voix puissante et caverneuse, Ajaxandréon reprit :« C'est moi qui t'ai mis en garde, mon enfant. Quoi qu'il en soit, quand Tae’thelan Guette-le-Sang deviendra enfin roi de tous les Thalassiens, ou un autre partisan de ma cause, alors la Maison de Givreciel retrouvera toute son influence sur Quel’Thalas.
Ce jour-là mon fils, tu devras siéger à mes côtés pour la gloire de notre famille ! Et nous règnerons au Conseil de Lune-d'Argent sur un peuple uni.[/color] »
Ajaxandriel ne contredit pas le revenant. Il espérait qu'un avenir aussi simple et idéal puisse se réaliser, mais doutait d'un tel scénario. Il ferai le nécessaire autrement.____
Les deux partirent s’installer à une table et poursuivirent une longue discussion. Ajaxandriel aborda alors le sujet qui lui tenait à cœur.« Père… Ce n’est pas tout, j’ai… j’ai aussi acquis un poste de haute responsabilité dans une organisation d’échelle mondiale. Une Ligue...
- On me l’a rapporté. La Ligue naturaliste, c'est ainsi que vous vous nommez ? J’ai reconnu leur blason au sapin qui fut l’emblème de notre famille. Il est bon que tu aies choisi d'amarrer notre Maison à une structure qui partage notre vision.
- En effet, et nous sommes alliés aux Gobelins de Gentepression.
- Les gobelins, oui, oui, excellent mon fils. A nos deux peuples, nous aurons bientôt la main sur l’économie du monde.
Mais ne perds pas nos objectifs de vue, Ajaxandriel : tu dois poursuivre les mêmes buts que Tae’thelan et rassembler les Sin’dorei et les Quel’dorei exilés.
- Un monde pacifié serait nécessaire pour cela, père ! »
Le chevalier de la mort montra un rictus ironique derrière son visage glacé puis reprit son expression austère.« Cet idéal est utopique. Crois-tu réconcilier tous les peuples à toi tout seul, pendant que nous y sommes !?
- C’est celui de mon nouveau mentor, le Sombrelance "Ouragan-bleu". Il dit pouvoir rassembler des membres de tous les peuples pour créer un nouvel ordre mondial.
- Utopiste. Dame Cur'sinu vient de me rapporter les événements ...ennuyeux qui viennent d’avoir lieu. Te rends-tu compte seulement.
... Tu as frôlé la mort, petit naïf ! Il n’est pas question que tu meures avant de régner à ma suite, entends-tu ?!
- Mais père... C’étaient vos semblables...! Des chevaliers de la Mort !
- Ne m'associe pas à ces aberrations qui servent l'Alliance. Et ne m’accable pas pour ton imprudence, fils. Si tu avais accepté mon aide nous n'en serions pas là.
- Quelle …aide ? -
Ajaxandriel fronça les sourcils, mal à l'aise- Tu as besoin d’une garde rapprochée. Nombreux sont ceux qui s’opposeront à tes plans. A nos plans. Des guerriers de l’Alliance, des Sin’dorei hostiles à nos plans, des concurrents de tes alliés gobelins… Tous devront être éliminés.
Un temps mort se posa.- …Eliminés ??!
- Du moins, écartés de notre route. Il faut donc... Une force dissuasive, en somme.
- Je vois, mais j’y avais pensé… Déjà quelques combattants ont rejoint nos rangs et…
- Et je constate leur réussite ! »
Ajaxandréon fit mine d'applaudir, lentement, l’expression boudeuse et figée.« Non, tu as besoin d’une garde prétorienne digne de ce nom.
Moi seul, avec mes cavaliers-sombres libérés du Norfendre, pouvons t’offrir cette sécurité. Ils intégreront les rangs de ta ligue, et te protègeront toi et tes associés quand l’heure sera venue. »
Ajaxandriel ne sut qu'acquiescer à demi-mots. Déjà, il détournait le regard en espérant trouver par lui-même des Elfes capables de rendre ces mesures inutiles.